A QUI PROFITE LE COMPLOTISME ?
Le complotisme fait des ravages et il a encore de beaux jours devant lui. Son atout principal est identifié : la puissance des réseaux sociaux, lesquels favorisent la diffusion des théories en question tout en enfermant les individus dans une bulle qui ne relaie que les informations idéo-compatibles. Tout fonctionne comme dans une secte dont les membres coupés du monde sont fascinés par la puissance de conviction d’un maître et rien d’extérieur ne peut venir ébranler leur conviction, la moindre contradiction étant immédiatement estampillée made in complot.
L’efficacité de ces religions du XXIème siècle – celui qui devait être « spirituel ou ne pas être » (aurait dit Malraux en présence d’André Frossard) et qui ne sera peut-être pas pour confondre spiritualité et religiosité – émane d’un autre facteur consolidant : les théories du complot – pandémie organisée par un état profond, Grand Remplacement, domination des Sages de Sion, etc. – s’appuient toujours sur un fait indiscutable : l’enrichissement des laboratoires pharmaceutiques, la croissance de la proportion de population extra-européenne en Europe, l’existence de Juifs parmi les grands de ce monde, etc. Cet enracinement dans les faits leur assure un haut degré de crédibilité.
Dans ce contexte, les complotistes se trompent pourtant, imaginant que les vérités qu’ils observent sont le fruit de programmes imaginés par « Eux », des hommes et des femmes jamais identifié.e.s parce qu’ils sont « de l’ombre ». Qu’ « ils » n’existent pas parce que les réalités du monde sont trop complexes pour être maîtrisées par un petit groupe – qui nécessiterait par ailleurs une chaîne de complicités si vaste que le secret ne saurait être longtemps préservé – ne leur est pas accessible. De fait, ce que les complotistes prennent pour une manipulation planétaire n’est rien d’autre que l’effet de la libre lutte des intérêts privés, concurrents, voire rivaux, pris dans la dynamique de la concurrence ultralibérale.
À qui profite la diffusion de toutes ces thèses qui désignent sans les nommer les multinationales, puissances financières, maffias et autres lobbies ? Aux dirigeants de régimes totalitaires qui mettront tout le monde d’accord en faisant marcher les peuples au pas cadencé ? A la fin de l’envoi se profile toujours au moins un bénéficiaire, celui qui tire les marrons du feu qu’il n’a pas eu besoin d’allumer pour qu’il se répande.
Un tel épilogue oblige à se demander si les vrais conspirateurs ne sont pas ceux qui dénoncent les complots. Mais se savent-ils seulement impliqués ? L’ignorance serait leur seule excuse.
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