FOULES LABORIEUSES ET DANGEREUSES
« Voici plus de trente-cinq ans que notre Maître à tous, Emile Zola, dénonçait le péril mystique et proclamait la nécessité de ramener l’art à ses sources éternelles, l’humanité et la nature. […] La foule, depuis cette époque, est restée la même – la foule a-t-elle fait un seul pas en avant depuis l’Âge des cavernes ? – mais l’élite s’est élargie. La foule ricane toujours devant les chefs d’œuvres. » [Elie Faure, L'Aurore, 4 mai 1902]
Il y a dans le propos rapporté ci-dessus, l’expression fort dérangeante d’un mépris pour les plus modestes qui invite à le refuser. Sur deux points au moins, Elie Faure n’a pourtant pas totalement tort.
1/ Quand l’humain est réduit à une masse anonyme d’individus non avertis, il se comporte, par conformisme, de façons les plus médiocres et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle démagogues, leaders populistes et autres Conducateurs fascistes se parent toujours de leurs violents cortèges ; c’est même à la présence de ces derniers dans leur sillage qu’on les reconnaît.
Hors chacun de ses membres qui, à s’y abandonner, y perd sa riche unicité, la foule reste la masse obtuse qu’elle a toujours été depuis que l’organisation en hordes sauvages était une nécessité de survie pour les hommes.
2/ La foule que méprise Elie Faure est celle des mondains et des poseurs, ce carré de prétentieux qui se réclament d’une élite – une parmi d’autres, car Une élite générale n’existe pas – dont ils singent les manières sans en avoir le talent. Elie Faure n’a qu’un tort : user du trop générique mot « foule » pour désigner les « snobs ».