COMPLEMENTARITE HOMMES/FEMMES ?

Penser l’humanité en termes de complémentarité hommes/femmes est toujours suspect de sexisme. Sans présumer des intentions de celui qui croit penser, l’idée tend en effet à réduire les humains à leurs seules fonctions sexuelles et reproductrices, puisque ce sont les seuls paramètres biologiquement différents tout en étant compatibles et complémentaires.

Nul ne peut nier les différences biologiques entre hommes et femmes, lesquelles génèrent d’incontournables différences de perceptions dans les domaines impliqués. Impossible à expérimenter, les différences sensorielles entre un orgasme vaginal ou clitoridien d’une part et une éjaculation d’autre part produisent forcément une perception différente de la sexualité entre mâle et femelle. Une incidence sur la vision du monde est possible mais quel impact global pourrait-elle avoir sur la conduite des affaires politiques, économiques, artistiques ou philosophiques ? Pourquoi le plaisir du sexe serait-il plus influent que la douleur d’une rage de dent ou le plaisir d’une madeleine de Proust ? De fait, les perceptions issues de la différence biologique sont une donnée intéressante mais non suffisante pour assurer une différence globale de nature entre hommes et femmes, d’une complémentarité hors sexe encore moins.

Parce qu’ils sont de même espèce, en tout semblable sauf leurs organes génitaux, il n’y a pas de raison objective de penser que la manière de percevoir le monde par les cinq sens autre que le sixième – celui placé entre les cuisses – puisse être décisif dans la manière de concevoir les affaires. C’est la raison pour laquelle il y a peu de chance qu’un monde gouverné par les femmes soit très différent de celui construit par les hommes. La féminisation de nombreux métiers a pu avoir des effets sur les pratiques, elle n’a pas métamorphosé leur exercice parce que celui-ci est conditionné par d’autres paramètres que le sexe. Un instituteur et une institutrice sont des enseignants, un apothicaire et une pharmacienne des soignants, un comédien et une comédienne des artistes, un ministre et une ministre des politiques. Jeanne d’Arc, Catherine de Médicis, Émilie du Chatelet, Marie Curie et Berthe Morisot ont été des hommes comme les autres, les Gilles de Rais, Concino Concini, René Descartes, Louis Pasteur ou Auguste Renoir.

Une société construite et dirigée par des femmes ne serait pas plus juste que celles héritées de nos pères. L’idéal serait celle qui saurait faire la synthèse des perceptions les meilleures de chacun. Admettrait-on ce projet, le problème resterait entier tant que le « meilleur » en question ne sera pas réfléchi, débattu et défini.