NOSTALGIE DU FUTUR
Quand j’avais dix ans,
Croiser mes aînés n’avait pas d’importance.
Je les embrassais et partait en courant.
J’avais la vie devant moi
Et je n’y pensais pas.
À vingt-cinq ans je suis devenu père.
J’ai regardé ma fille et j’ai pensé :
« Désormais il y a quelqu’un derrière moi ».
Mais c’était sans importance,
J’avais le temps pour moi.
La crise de la quarantaine ?
Je ne me souviens pas.
Mes aînés étaient partis, bien sûr,
Mais mon fils courait après ma fille.
C’était le bon temps.
J’ai soixante ans
Et quand je croise les enfants,
Je suis triste à en maudire.
Ne reste-t-il que dix ans,
Vingt peut-être ? Si peu pour eux.
Quand j’entends les puissants
Ergoter pour défendre ceci ou cela,
Pouvoir d’achat ou droit de passer,
Je suis en colère.
Dans dix ou vingt ans, la Vie sera derrière.
J’y pense et, à petits pas,
Moi devant et tous derrière,
Je me dis : « C’est trop injuste ».
Mon petit-fils n’y pense pas.
Pourtant, il n’a plus beaucoup le temps !