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Le spectateur affranchi
10 juillet 2020

MEMOIRE DE CONFINEMENT

B9722971679ZDeux mois depuis la fin du confinement. Que reste-t-il de ces jours d’exception ? Des images d’hôpitaux saturés, d’Ehpad endeuillés, de médecins enveloppés de protections sanitaires… celles aussi de caissières repliées derrière leur plexiglas, d’autorisations de sortie oubliées, de rendez-vous des voisins aux balcons... Que de souvenirs qui s’enfuient déjà !

« On a envie d’oublier », dit l’invité sur une chaine de radio.

« Oublions », assure un autre au lendemain d’un remaniement ministériel qui résonne comme une fin d’époque.

Ces formules sont révélatrices des manières humaines de trier les informations remontées du passé. Aux côtés des bons souvenirs, se dressent ceux que chacun veut oublier. Sans doute est-ce bien naturel, volontaire souvent, nécessaire toujours. Nul individu ne peut tout garder en tête et chacun s’astreint d’autant mieux à l’oubli qu’il y a l’écriture. Celle-ci donne le moyen d’augmenter la capacité de mémoire. Le seul souci, en l’occurrence, revient à déterminer ce qu’il convient d’écrire pour mieux le préserver.

L’homme ne sauve de l’oubli que ce qu’il juge - à tort ou à raison – utile. Ce qui est écrit n’est qu’une fraction du passé, toujours susceptible d’être révisé, augmenté, corrigé en fonction d’informations rendues par la terre (l’archéologie), reconstruites par des spécialistes (les historiens) sur la foi d’indices ou créées ex-nihilo (opération du malsain esprit).

Les confinés ont-ils tenu journal de leur confinement ? Si oui, peut-être vont-ils le jeter ou l’oublier dans un tiroir. Sinon, qu’ils le relisent. Ils seront surpris d’y retrouver des anecdotes déjà écartées de leur mémoire. Beaucoup de celles-ci repartiront aussitôt dans les combles de l’oubli quand d’autres se montreront si intéressantes que chacun s’efforcera de les graver dans le marbre du cerveau. Pourquoi ? A quelles fins ? Pour le plaisir parfois ; pour se construire, plus souvent, son petit devoir de mémoire, celui qui permettra de demander comptes au voisin, au banquier ou au propriétaire ; au gouvernement, à une institution, à la société toute entière ! Parmi les souvenirs, il y a les bons et il y a tous ceux qui nourrissent passions, rancœurs et colères auxquelles les hommes veulent donner suite. La mémoire est une arme qui se charge à des fins de combat et pour nourrir les disputes à venir. À tort ou à raison ? Seule l’Histoire pourra, peut-être, répondre à la question.

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  • Il y eut des spectateurs engagés. Le refusant est un acteur qui entend rester libre autant que faire se peut. Mais sa liberté passe par l'analyse attentive du monde. Un spectateur affranchi est un acteur averti, au mieux du possible.
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