VOEUX DE L'AN

Lettre ouverte à M. le président

Je vous écris cette lettre que vous lirez peut-être ; si ce n’est vous, ce seront vos bureaux.

Je vous écris pour vous faire part de tous les maux qui gangrènent la société et les mots qui les portent :

- les incivilités au quotidien : celles des fumeurs qui jettent leurs mégots dans le caniveau et bouchent ainsi les conduites de nos égouts ; des cynophiles qui ramassent les crottes déposées au milieu du trottoir en y laissant la virgule dans laquelle le passant marchera ; des sdf qui refusent d’utiliser les lieux d’aisance de la ville et urinent dans les recoins inaccessibles aux karchers ; des jeunes qui abandonnent leurs cadavres de bière et boites à pizzas sur les bancs qu’ils ont occupés une partie de la nuit ; des supporters qui souillent les espaces de fans-zones mis à leur disposition le temps d’une rencontre sportive ; des touristes qui marquent de leurs mauvaises coutumes leur trajet à travers les quartiers historiques comme des petits Poucet inquiets de ne pas retrouver leur chemin ; des amis des bêtes qui émiettent leur baguette rassie au profit des pigeons à fientes…

- l’arrogance des puissants : celle des riches présumés cultivés mais qui ignorent tout ce qui ne relèvent pas de la culture-mère qu’ils se reconnaissent ; des hommes protégés qui mégotent et encouragent l’incivilité sus-dénoncée ; des m’as-tu-vu qui stationnent leur SUV en double file ou sur les voies cyclables ; des VIP qui squattent les meilleurs places aux dépens des plus avertis… 

- la fatuité des politiquement-corrects : celle des réactionnaires nostalgiques qui pleurent ce qu’ils n’ont jamais vécus ; des révolutionnaires qui réduisent le monde au grand soir de ceux qu’ils ignorent ; des académiques qui dénoncent les incorrectitudes au nom de celles qui ont fini par s’imposer sur le marché de l’habitude ; des insoumis qui se réclament d’un monde que les autres ne peuvent pas connaître parce qu’ils ont dépassé l’âge des cours de récréation…

- la couardise des délateurs : celle des collaborateurs de l’ombre qui dénoncent ceux qui ne pensent pas comme eux au nom de leur résistance à la résistance d’autrui ; des réfractaires qui se veulent justiciers en ne connaissant du rôle que la triste figure ; des concierges soucieux de ne pas ternir la réputation de la profession ; des commères qui n’ont pas d’autres manière d’exprimer leur existence…

Monsieur le président, ou madame,

Je sais que vous ignorerez ma lettre. Non seulement parce qu’elle est incivilité arrogante autant qu’incorrecte, mais parce que vous voudrez au moins me combler sur un point, celui qui regrette que l’exemple ne vienne jamais d’en haut.

Je sais surtout que vous n’avez aucun intérêt à m’écouter. Le pouvoir qui vous est donné est plus d’entretenir rivalités, querelles et divisions que de tendre à les résoudre en droit.

En regrettant de rester anonyme, devoir du rôle oblige,

Ac-cordialement vôtre.