LE PARDOXE DU 26 MAI
Que d’inquiétudes dans les rangs des europhiles, que d’agacements et d’invectives sur les plateaux, que de rodomontades dans les rangs des faux vainqueurs, ceux qui ne dirigeront pas l’Europe demain parce que leur progression électorale ne suffit pas pour leur donner la majorité. L’Europe a-t-elle tant perdu qu’il faille souffrir l’expression de toutes ces sujets d'alarmes ?
A l’issu du scrutin du 26 mai, les Européens se réveillent dans une Union profondément fractionnée. Aux divisions nationales dans lesquelles sont enracinées les tensions régionales et indépendantistes (des Catalans, Écossais, Corses, Lombards, Néo-calédoniens, Flamands…) viennent s’ajouter les fractures partisanes entre les différentes formations politiques et au sein d’elles-mêmes également. Mais faut-il vraiment s’en désoler ? Le fractionnement n’est-il pas une bonne nouvelle pour la démocratie ? L’absence de majorité toute faite n’est-elle pas la meilleure garantie du débat, de la recherche du compromis et du partage du pouvoir entre toutes les sensibilités ? L’éclatement de la représentation et le recul des formations qui se distribuaient les rôles entre soi ne sonne-t-elle pas la fin possible de l’Europe des magnats, ceux qui depuis 1995 ont mis les institutions communautaires au service de leurs intérêts financiers, détruisant les rêves de paix et de prospérité qui avaient justifié l’adhésion de la première génération de citoyens européens au projet des Pères fondateurs ?
Ne nous leurrons pas : la fin potentielle de la démocrature de Bruxelles n’est pas promise à une longue espérance de vie. Elle fonctionnera si les élus savent saisir l’occasion qui leur est offerte et elle se maintiendra jusqu’à la mise en place de nouveaux subterfuges pour détourner la souveraineté populaire au profit du cartel des puissants. Hélas ! Toutefois, et en attendant ce retour sur mal-investissement, les hommes et les femmes qui viennent d’être choisis disposent pour agir d’une petite faille dans le programme du pouvoir, d’une fenêtre entrouverte par laquelle des projets nécessaires et utiles pourraient aérer un peu la chambre de l’avenir. À ceux qui en ont le courage et la sincérité de saisir cette opportunité.