OUINER N'EST PAS BIEN JOUER
Sans vergogne, les firmes multinationales détruisent les ressources naturelles de la planète et les écologistes, avec raison, s’en désolent ; mais il y a pire encore : la fabrique de pillards et la destruction des ressources humaines qui en découle à grands coups de chantage à l’efficience, de culte de la performance, de sacralisation de la compétition, d’apologie de la win-attitude et tutti quanti ! Il y a, dans ce domaine, un gâchis qui relève du crime contre l’humanité, rien de moins !
Ouinner n’est pas louser, mais l’idée telle qu’elle est véhiculée suggère toujours son corrosif corolaire : je ouinne parce que les autres lousent. Car le winner se pense dans le cadre d’une compétition. Son monde est un championnat qui n’offre qu’une seule médaille d’or. Ouinner revient à conquérir la première place et celui qui atteint la seconde est déjà un louseur. En sport, la « plus mauvaise place » est la quatrième, « au pied du podium », celle qui ne mérite aucune récompense. Celui qui y échoue, n’est pas même le survivant d’un naufrage. Il est le perdant non-magnifique, celui dont tout le monde oubliera le nom et le renom. Les louseurs sont jetés dans les poubelles de ce cursus honorum et peu importe qu’ils aient été performants. Dans cet univers, la qualité du travail, l’exploit et l’accomplissement de la tâche ne comptent pas ; seule la première place mérite l’inscription au tableau d’honneur. 99 % des acteurs de la société peuvent être brillants, créatifs, sérieux, productifs, leur richesse sera utilisée par le ouinneur et leurs personnes seront ignorées parce qu’elles ne font pas partie du gotha : le 1 % des meilleurs. Confondre méritocratie et élitisme est la marque de fabrique des pires dictatures.