DONNEURS DE LECONS
« Ces donneurs de leçons au quotidien » ! La formule sort, aujourd’hui, de la bouche d’un dirigeant politique à l’encontre d’un de ses concurrents mis en examen dont il proclame, toutefois, la « présomption d’innocence ». La contradiction s’explique par le fait que plusieurs membres éminents de son propre parti sont eux-mêmes soumis à poursuite judiciaire et qu’il ne saurait demander une démission de l’un sans suggérer celle des autres ! Mais, au-delà d’un autre paradoxe consistant à présumer explicitement innocent celui dont on dénonce la suffisance moralisatrice tout en présumant implicitement sa culpabilité, l’effet boomerang du propos ne manque pas de sel : non seulement l’usage de la formule est une manière de produire ce que l’on dénigre, mais, dans notre régime politique de démocratie représentative, un homme politique a précisément vocation à instruire ses concitoyens dont il convoite le soutien. Il s’engage en politique parce qu’il croit avoir raison contre tous les autres et tous les discours qu’il diffuse sur la scène publique sont, par essence, des leçons. Autant dire que l’accusation initiale de ce billet est soit le fait d’un monsieur Jourdain qui ne sait pas ce qu’il fait, soit d’un Tartuffe qui ne saurait voir ce qu’il convoite avec une lubricité politicienne dégoutante, soit un Dorante qui voudrait nous faire prendre un corbeau pour un Corneille !